Un lieu de modernité depuis toujours

Séjourner à l’abbaye de Fontevraud, c’est l’assurance d’un grand écart dans le temps : un pied dans le passé, un autre dans le futur. L’histoire commence en 1101, quand Robert d’Arbrissel fonde l’ordre de Fontevraud qui, sept siècles durant, sera exclusivement dirigé par des femmes, premier indice de la modernité que les lieux semblent inspirer. À l’orée du XIXe siècle, la décision de Napoléon Bonaparte de transformer les 13 hectares en prison centrale lui vaut d’échapper à la destruction. Cette période pénitentiaire s’achève en 1963, quand différentes restaurations s’enchaînent pour donner à Fontevraud sa physionomie contemporaine.

Des fabricants français

Situé au sud-est de l’abbaye, le prieuré Saint-Lazare a toujours été un lieu de vie communautaire, qui abrita d’abord les moniales en charge des lépreux, avant de devenir la maison de convalescence des religieuses inaptes à endurer la dureté de la règle monastique, puis une infirmerie au cours de la période carcérale, et enfin un premier hôtel-restaurant dans les années 1980. Tout un art de l’hospitalité, sublimé par le projet d’établissement lancé en 2012 et  mené par le duo Patrick Jouin et Sanjit Manku, en étroite collaboration avec l’agenceur CAA Agencement et des fabricants français comme Ligne Roset, l’Observatoire international, Brossier Saderne, Biosense et Burov.

Un bâtiment classé au patrimoine mondial de l’Unesco

Mais, pendant les deux ans de chantier, il aura fallu toute l’ingéniosité des différents intervenants pour adapter ce bâtiment classé au patrimoine mondial de l’Unesco à sa nouvelle destination : fermeture du cloître par une cloison désolidarisée, redécoupage des chambres, occupation de combles avec maintien des percements et des planchers… L’hôtel et le restaurant se glissent ainsi tout en délicatesse dans l’enveloppe originelle du prieuré, sans l’altérer. Mieux, la rénovation a été l’occasion de restituer des éléments disparus, comme des contreforts et une tourelle, ou le tracé des cellules du dortoir.

Des aménagements intérieurs sur mesure

Au-delà de l’hôtel-restaurant où la climatisation n’a pas sa place, cette rénovation s’inscrit dans la dynamique plus globale de « Fontevraud, cité durable », visant à réduire les consommations énergétiques et les émissions de gaz à effet de serre. Les aménagements intérieurs confiés au duo Jouin Manku soulignent cette politique. Ainsi, dans les 54 chambres, des patères aux têtes de lit inspirées des bures monacales, tout a été dessiné en étroite collaboration avec des entreprises locales, jusqu’à faire appel à l’une des dernières savonneries artisanales françaises bannissant les produits chimiques.

Ressources et talents locaux

Le duo aménage aussi les 88 couverts du restaurant entre les arcades du cloître et de la salle capitulaire, où les mets sont préparés avec des produits locaux, en partie issus des ruches et du potager de 2 hectares de l’abbaye. Utilisation des ressources locales, rénovation thermique, lutte contre le suremballage, recours au compost : le projet est une œuvre totale… avec, comme toujours, un pas d’avance !

Texte Jordi Patillon.

Découvrez le témoignage de Patrick Jouin, designer d'espace.

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