Tarzan à la piscine

Dans une autre vie, Tarzan a été maître-nageur. En 1929, les piscines Auteuil-Molitor sont inaugurées dans le 16e arrondissement de Paris par la vedette Johnny Weissmuller, 25 ans, alors quintuple champion olympique de natation et futur roi de la jungle au cinéma. L’Américain prolonge même son séjour pour surveiller les nageurs pendant l’été ! Imaginé par l'architecte Lucien Pollet, l’endroit se distingue par l'association d'une piscine couverte de 33 mètres et d'un bassin olympique à l'air libre de 50 mètres entouré de trois étages de cabines et de plages de sable.

Haut lieu de la vie parisienne

Les meilleurs artisans de l’époque, tel le maître-verrier Louis Barillet, interviennent sur ce projet réalisé dans un style Art déco inspiré des paquebots, très en vogue à l'époque. Il se révèle vite comme un haut lieu de la vie parisienne, accueillant par la suite des défilés de mode, des galas nautiques, des représentations théâtrales, ainsi que l'entraînement en hiver des champions français de patinage. C'est d’ici qu’aurait été lancée, le 5 juillet 1946, la révolution du bikini, alors que l’ingénieur Louis Réard présente sa création portée par la danseuse du Casino de Paris Micheline Bernardini.

Inscription aux monuments historiques

Définitivement fermée durant l'été 1989 et menacée de destruction, la piscine trouve son salut à travers l'association SOS Molitor, fondée par des habitués et des habitants du quartier, qui obtiennent l’inscription de l'ensemble du bâtiment aux monuments historiques, par arrêté du 27 mars 1990. Se délabrant dangereusement avec le temps, elle est alors investie par différents artistes et devient un temple de l'underground. En 2011, sa transformation en hôtel 5* est l’occasion de célébrer l’âme avant-gardiste qui l’a continuellement habitée.

Une restauration exaltante

« L’architecture intérieure du Molitor est conçue comme un voyage à travers le temps, depuis sa naissance jusqu’au projet d’aujourd’hui, revendique l’architecte d’intérieur Jean-Philippe Nuel, accompagné dans ce projet par des fabricants comme Fermob, la Tôlerie Forézienne, Ligne Roset, Steelcase et Vitra. Son caractère Art déco initial, sa période street art et la modernité architecturale actuelle qui transcende le lieu sont les grandes étapes de ce périple. » Les éléments patrimoniaux des années 1930 structurent la conception : la couleur des façades, le plafond du restaurant ou les guichets d’entrée font l’objet d’une rénovation à l’identique et scandent la quintessence des lieux.

Caractère polymorphe

En écho, les nouveaux espaces, comme le lobby ou les chambres, réinterprètent l’esprit originel. « Selon les pièces, une expression artistique émerge, toujours dans un dialogue en équilibre avec d’autres références, poursuit Jean-Philippe Nuel. C’est de ce caractère polymorphe que naît une identité originale et spécifique. Et qui fait du Molitor un lieu unique. » Nul besoin du roi de la jungle cette fois-ci...

Rencontre avec l'architecte d'intérieur Jean-Philippe Nuel