Qu’est-ce qui vous attire particulièrement dans les projets de reconversion comme celui du Radisson Blu ?

Même si cela peut paraître un paradoxe, je trouve, qu’aujourd’hui, ce sont ceux qui permettent le plus de créativité. Oui, il y a des contraintes, mais elles deviennent des sources d’inspiration, des opportunités. D’un point de vue architectural, et plus particulièrement concernant la volumétrie, ce sont les projets les plus intéressants car beaucoup moins normés que dans le neuf. Il n’y a que là que vous trouverez de grands atriums ou des doubles hauteurs, qu’il est possible de faire un bar sous 32 mètres de haut, sans que cela provoque une levée de boucliers ! Au-delà du style et de l’époque, les caractéristiques de ces bâtiments rendent leurs espaces plus qualitatifs. J’aime aussi imaginer des projets qui nous ressemblent, en résonance avec ce que nous sommes, et ces reconversions le sont d’autant plus que nous sommes attachés à notre histoire, à notre patrimoine. C’est notre ADN. Il y a donc un équilibre à trouver entre le patrimoine et la modernité, qui rend la recherche et le travail de conception plus subtils. Mes parents aimaient l’art contemporain, tout en habitant dans des maisons anciennes : j’ai baigné dans ce mélange, donc cela doit être aussi quelque part inscrit dans mes gènes.

Quel ligne directrice guide votre travail de conception ?

Je pars toujours d’un postulat : je veux affirmer la nouvelle fonctionnalité du lieu dans sa modernité. Respecter le patrimoine est une chose, mais, à côté, si le bâtiment change de fonction, il ne faut pas être dans le pastiche, dans la volonté à tout prix d’évoquer son passé. On peut évidemment le faire, mais sans que cela devienne un frein. Avoir des racines ne veut pas dire qu’il ne faut pas vivre dans son époque. J’aborde donc l’architecture et la décoration sous cet angle, en n’essayant jamais de faire une reconstitution historique. Le projet découle assez naturellement de ce dialogue entre l’ancienne et la nouvelle histoire du lieu.

Quel a été le fil conducteur du projet du Radisson Blu ?

Le projet a dès l'origine été conçu avec une ouverture sur la ville, symboliquement en ouvrant la façade pour ne pas créer le sentiment que l'hôtel est destiné seulement aux clients. C'est un signe fort envoyé aux Nantais pour qu'ils puissent faire de cet endroit un nouveau lieu de vie, de rencontre. Le site assume aussi son passé, faisant partie de son identité. Cela semblait naturel pour tout le monde de conserver la plaque « Palais de justice » sur le fronton, par exemple.

Comment le restaurant s’insère-t-il dans l’ancienne salle d’assises ?

Le mobilier moderne aux teintes vives joue sur les contrastes entre ancien et moderne, ombre et lumière. Pourtant, la fonction initiale de la salle n'est pas dissimulée, elle est assumée. Les boiseries, sous lesquelles ont résonné les ténors du barreau, ont ainsi été préservées. Au plafond, elles ont été restaurées à l'identique, avec bois apparent pour figurer comme un tableau suspendu. Aux murs, elles ont été peintes en blanc afin de donner plus de luminosité.

Propos recueillis par Jordi Patillon.

(c) Jean-François Jaussaud