Catalyseur architectural

L’ensemble est traversé par deux passages couverts, véritables vitrines numériques qui favorisent les échanges et créent un lien urbain fort, dans un quartier en pleine transformation. « Notre projet de pépinière numérique est un véritable catalyseur architectural ; il accueille et unifie deux grandes énergies créatrices dans un lieu unique, innovant et bouillonnant, mêlant l’ingéniosité et l’audace d’un ingénieur du XIXe siècle à l’imagination débridée et exaltée d’une nouvelle génération », conclut l’architecte Jean-Michel Wilmotte. Le train du numérique est lancé à pleine vapeur.

Prouesse architecturale

Un train peut en cacher un autre… Face à l'augmentation du trafic de fret, la Compagnie du Paris-Orléans décide en 1927 la construction d’une nouvelle halle de messagerie le long des voies de la gare d’Austerlitz à Paris. Le concours est remporté par l'entreprise Limousin, dont le directeur technique est l’ingénieur Eugène Freyssinet, père du béton précontraint. Le bâtiment qui voit le jour est un condensé de prouesse architecturale et de génie structurel : d’une longueur de 310 mètres pour 72 mètres de large à son maximum, il est constitué de trois nefs parallèles en voûtes cylindriques, dont l’épaisseur atteint moins de 5 centimètres au faîtage, la présence d’auvents suspendus en débord comme contrepoids autorisant l’extrême finesse de l’ensemble.

Magnifier la structure

La halle est exploitée par le Sernam jusqu’en 2006, puis laissée à l’abandon. Son devenir s’inscrit alors en pointillé : projets de démolition ou de siège du tribunal de grande instance, exploitation par un groupe d’événementiel, avant qu’elle ne soit finalement inscrite en 2012 aux monuments historiques, sous la pression d’associations de défense du patrimoine qui réussissent à convaincre l'État du caractère innovant de cet ouvrage de référence. La halle Freyssinet est alors rachetée à la SNCF par la Ville de Paris, qui la revend à Xavier Niel, dont le dessein est de la transformer en plus gros incubateur numérique au monde. Avec l’obligation de laisser les bétons d’origine apparents, la reconversion, menée par Jean-Michel Wilmotte,  accompagné des fabricants Cider, Ligne Roset, AGC Glass France et Groupe Delagrave, doit aussi magnifier la structure sans interrompre sa continuité, désenclaver le bâtiment et offrir des cheminements couverts et sécurisés.

Espaces polyvalents

De cette ambitieuse feuille de route naît, en 2017, trois zones distinctes à l’identité propre. En prolongement d’un vaste parvis minéral, le forum de rencontre et de partage numérique comprend notamment un fab lab, un auditorium et des salles de réunion. La nef centrale, laissée libre, permet de dégager des espaces polyvalents et communautaires, tandis que celles latérales, auxquelles ont été ajoutées des mezzanines à la structure métallique démontable, accueillent l’ensemble du programme fonctionnel. Enfin, le dernier tronçon héberge un restaurant en service continu.

La mémoire des lieux

Les cinquante containers métalliques qui font office de salles de réunion rappellent le passé ferroviaire du lieu, tout comme le tracé des rails laissé en partie apparent dans la partie centrale de la halle et les wagons Corail stationnés dans la partie sud. La palette des matériaux (acier et verre) et des couleurs (noir et blanc) est réduite au strict minimum. Les tympans et les longs-pans des façades latérales, ainsi que les deux façades « frontons » et les murs latéraux des passages publics, sont entièrement vitrés pour apporter un maximum de lumière naturelle aux espaces de bureaux.

Rencontre l'architecte avec Jean-Michel Wilmotte