Comment se porte le marché de la cuisine en 2023 ?

Valérie Souvervie : C’est un marché qui résiste. Après deux années 2020 et 2021 exceptionnelles – et malgré un contexte sanitaire extrêmement difficile pour les entreprises – la cuisine se porte bien. La croissance du secteur devrait atteindre 4 à 5% en 2022. C’est l’un des seuls segments positifs de l’ameublement, et c’est normal : la cuisine a toujours été une locomotive. Elle s’est vraiment démocratisée et ne fait que grandir ces dernières décennies. Je suis donc très confiante sur son développement futur, à commencer par 2023 !

Qu’est-ce qui explique ce dynamique du secteur ?

Valérie Souvervie : La raison est simple : parce que la cuisine se démocratise de plus en plus, parce qu’elle est désormais accessible à une grande partie des ménages, les Français s’équipent toujours plus. Par exemple sur les 9 premiers mois de 2022, un peu plus d’un million de cuisines a été vendu. Et en valeur, nous sommes sur une évolution de près de 5% en un an, et +20% par rapport à 2019, avant la crise sanitaire. Ces chiffres sont très représentatifs, car le groupement « cuisines et salles de bains » de l’Ameublement français représente à lui-seul 90% du marché, avec la quasi-totalité des acteurs, soit près d’une trentaine d’entreprises. De plus, le marché de la cuisine est l’un de ceux qui résiste le mieux puisque la production française progresse de 13% en un an, ce qui est significatif.

Comment s’est opérée cette démocratisation du marché de la cuisine ?

Valérie Souvervie : C’est un phénomène qui est en cours depuis plus d’une dizaine d’années. La cuisine équipée s’est démocratisée dans la plupart des réseaux de distribution. On la retrouve en grande surface de bricolage, en grande surface d’ameublement, en négoce, et même en seconde main. Il y a eu un élargissement de l’offre considérable. C’est une offre qui a été excessivement travaillée, en matière de design, de qualité des matériaux, d’implantation, de savoir-faire, de profondeur des gammes, de colorimétrie, de personnalisation, bref, il y a une cuisine pour chaque foyer ! Chacun peut avoir le « luxe » d’avoir une cuisine équipée. C’est en plus un produit qui dure dans le temps, qui est très vertueux par sa durée de vie. On peut démonter une cuisine 15 ou 20 ans après son installation, elle n’a pas bougé.

Tous les feux sont donc au vert pour les années à venir…

Valérie Souvervie  : C’est vrai, les perspectives sont très bonnes. Imaginez, le taux d’équipement des foyers français est de 67%. Autrement dit, un tiers d’entre eux n’est pas équipé. Nous avons devant nous une autoroute d’acquéreurs à venir. Nous l’observons sur le marché de l’immobilier : il y a un parc à renouveler qui est considérable. Il y a d’abord toutes les nouvelles mises en chantier, il y a aussi toutes les acquisitions dans l’ancien. Il y a donc un important potentiel d’équipement sur ce marché de la cuisine. Le taux de rotation est de 21 ans, et les produits sont de très grande qualité. Le marché de la cuisine est toujours très corrélé au marché de l’immobilier. Quand on voit qu’il y a plus d’un million de transactions immobilières dans l’ancien, effectivement, tous les voyants sont au vert !

Quelle est la part du made in France dans le marché de la cuisine ?

Valérie Souvervie : Cela représente entre 50 et 60% du marché. En France, nous avons là encore de belles perspectives, avec une augmentation capacitaire de la plupart de nos usines, ce qui est une excellente nouvelle pour la dynamique du territoire. Les industriels réalisent un effort remarquable d’augmentation capacitaire pour répondre à la demande. C’est une démarche qui s’est amorcée il y a environ 5 ans, juste avant la crise sanitaire. Les cuisines fabriquées en dehors de nos frontières viennent principalement des pays transfrontaliers que sont l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. Une cuisine venant de Chine serait une hérésie, ne serait-ce que pour des questions d’empreinte carbone ou de service après-vente. Une vente de cuisine s’accompagne nécessairement des conseils et du service d’un professionnel. L’implantation d’une cuisine demande un véritable savoir-faire. Le marché de la cuisine est tricolore et il le sera de plus en plus !

La pandémie de Covid a-t-elle eu un impact significatif sur le secteur ?

Valérie Souvervie : Oui, les chiffres que je vous évoquais en témoignent. Les deux années vécues avec des périodes de confinement ont eu un impact réel sur le marché de la cuisine. Les ménages français ont pris la mesure de la place de la cuisine dans leur logement, de l’importance de cuisiner en famille. Le confinement a fait prendre conscience de la nécessité de s’équiper. Cette pièce de la maison est aussi devenue une sorte d’hybridation car on y a tout fait pendant ces périodes un peu atypiques et parfois surréalistes : cuisiner, prendre l’apéro, organiser une visio avec la famille ou les amis… C’est devenu une pièce centrale ! La cuisine est un lieu de vie, intimiste, un lieu d’échange et de rencontre.

La cuisine du projet Cohome – le coliving laboratoire de l’agencement – reprend ainsi tous ces codes ?

Valérie Souvervie : Absolument, c’est une pièce extrêmement ouverte dans ce projet. On peut la percevoir comme une sorte de théâtre avec différents acteurs. C’est devenu vraiment une pièce incontournable, et c’est comme cela qu’elle a été pensée dans Cohome, cela se voit tout de suite. La cuisine fait d’ailleurs partie des priorités des Français dans la maison. Selon l’étude Sociovision que l’Ameublement français a mené, la cuisine est la première pièce que les Français souhaitent aménager ou créer, avant la chambre ou le salon. Et par rapport à cette envie de cuisine aménagée, les critères d’attractivité du meuble sont nombreux. Les Français recherchent des meubles conçus pour durer, ce qui est le cas pour des portes de placards de cuisine qui ont une durée de vie entre 20 et 30 ans. Ils recherchent aussi des matériaux naturels, ils ont un besoin de douceur, de cocooning. Et comme on le disait, les ménages tricolores souhaitent une fabrication française, beaucoup de transparence également sur les modes de fabrication. Enfin, ils veulent des meubles qui ont du style et qui leur permettent d’optimiser l’espace, comme on peut le retrouver dans Cohome.

En termes de style justement, quelles sont les tendances actuelles ?

Valérie Souvervie : Il y a de plus en plus d’audace en termes de couleurs, avec des bleus, des roses, des verts, des touches de couleur ponctuelles. Mais cela ne représente pas le cœur du marché. Pour 80% des ventes, les clients restent sur des choix de cuisines assez intemporels. En ce moment, on sort aussi de la tendance de la cuisine industrielle pour amener progressivement de la couleur. On note aussi un retour aux plans de travail naturels, en bois, en marbre, en pierre… Ce sont de grands courants de tendance. Après, chacun a la cuisine qu’il souhaite. Il y a un élargissement de l’offre, une profondeur de la gamme des couleurs qui multiplient les possibilités.

Pour vous, comment les Équipementiers interviennent dans l’élargissement de cette offre ?

Valérie Souvervie : Les Équipementiers apportent énormément d’innovations. Ils effectuent un travail remarquable avec les fabricants de cuisine. Ce sont des professionnels qui se complètent parfaitement. Cet apport est donc indispensable pour le secteur. Une technique ? Une charnière ? Ils sont derrière les principales innovations. Ce sont des éléments regardés attentivement par les agenceurs et les architectes d’intérieur, qui sont très sensibles par exemple à la qualité des éléments de quincaillerie. Il faut dire qu’une porte de placard de cuisine pourra être ouverte un nombre de fois incalculable par un grand nombre de personnes pendant de très nombreuses années, et ils le savent parfaitement !

Quels sont les éléments d’une cuisine qui font la différence ?

Valérie Souvervie : Tout a son importance, mais les finitions sont essentielles. Les détails qui ne se voient pas forcément, comme les éléments de quincaillerie ou un système d’ouverture de porte un peu inventif, une finition distinctive dans les tiroirs, une gorge sublimée par une finition métal, un champ travaillé, peuvent vraiment faire la différence. Le développement de portes glissantes est aussi un bon axe. En matière d’usage, il y a encore beaucoup de choses à apporter au consommateur.

Quel est pour vous le rôle des agenceurs et des architectes d’intérieur dans la cuisine ?

Valérie Souvervie : Ce sont des professions remarquables. Ils ont un rôle extraordinaire, ce sont des magiciens. Ce sont des créateurs qui vont sublimer les éléments de la cuisine. Ils ont cette capacité à vous proposer ce à quoi vous n’auriez jamais pu penser. Un espace petit, biscornu, ils en font un palais ! Pour une cuisine, l’implantation est capitale. Le travail des cuisinistes est donc aussi très important, ils apportent une valeur ajoutée considérable dans l’implantation de la cuisine, dans la compréhension de la vie de l’usager, de sa façon de faire.

A quoi ressemblera la cuisine du futur ?

Valérie Souvervie : C’est une pièce qui est vouée à être de plus en plus hybride. Elle va donc devoir acquérir encore d’autres fonctionnalités. Souvent, surtout en ville, on manque de place, il va donc aussi falloir des fonctionnalités additives comme une table rabattable cachée sous le plan de travail qui permette de manger à plusieurs. Il y a tout un tas d’astuces à imaginer et à développer. Il y aura aussi sans doute de plus en plus de verdure dans la cuisine avec des sortes de mini-potagers. La question de la réparabilité, avec la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire (AGEC), est également une question de plus en plus présente. Pour la cuisine, cette question concerne surtout la quincaillerie qui peut de toute façon être facilement changeable. Lorsqu’on souhaite changer sa cuisine, c’est souvent pour une question de style. Pour les garder encore plus longtemps, peut-être faudra-t-il imaginer une solution pour changer seulement les façades. Enfin, avec le vieillissement de la population, il va falloir développer des cuisines avec davantage d’accessibilité, de modularité, car 25% de la population aura plus de 65 ans en 2040.

Pour finir, que retiendrez-vous de la cuisine du projet Cohome ?

Valérie Souvervie : Cet espace dans le laboratoire de l’agencement est vraiment beau, la cuisine de Cohome est très grande. C’est intéressant, et très inspirant ! Et il y a tout ce qu’il faut pour avoir envie de s’y retrouver !